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Interview de Christian Darles

Club Archéo : En quoi consiste votre métier ?

Christian Darles : "Je suis architecte et professeur à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Toulouse. J’enseigne l’architecture et le patrimoine architectural (son histoire et comment travailler avec, à côté ou dedans). Je dirige une équipe de recherche qui travaille dans ce sens sur différents sites. Nous travaillons également sur la mise en valeur de sites archéologiques. Par ailleurs, je suis spécialisé en archéologie antique et travaille en tant qu’architecte chez les archéologues autant au Proche Orient d’où je suis en train d’écrire qu’en France (Sud-Ouest de la Gaule) ou en Italie (Toscane et Pouilles). J’aide, nous aidons, les archéologues à étudier les ruines des édifices qu’ils dégagent, à comprendre de quel type de bâtiment il s’agit et à imaginer à quoi ils pouvaient ressembler (c’est la restitution graphique). Je fais beaucoup de dessins et travaille aussi sur les techniques de construction et sur le chantier durant l’Antiquité."

Club Archéo : Selon vous, les vestiges des remparts du Ier siècle sont-ils indispensables pour comprendre l’Histoire de notre ville ?

 

Christian Darles : "On ne peut comprendre une ville et son devenir qu’à travers la lecture de sa continuité (son histoire). Il faut comprendre les pourquoi et les comment de l’édification des bâtiments, du cadre de vie et des paysages qui ont pu exister. Quand on a la chance d’avoir des monuments bien conservés comme le rempart antique de Toulouse (un des mieux conservés de France) il faut sauter sur l’occasion. Il faut aussi trouver les gens qui soient capables et ont le temps de faire cette étude longue et patiente ; souvent l’archéologie est une histoire de sauvetage et d’urgence, malheureusement. Pourquoi un rempart comme celui de Toulouse a-t-il été construit au début de notre ère ? Comment a-t-il été construit ? Par qui ? Avec quoi ?"

 

Club Archéo : Que pensez-vous de leur actuel état de conservation ? Etes-vous, par exemple, choqué par la destruction d’une des trois portes antiques pour faire place à un parc de stationnement ?

 

Christian Darles : "Ce monument est très bien conservé. Souvent dans des caves parfois en élévation comme vers la place Saint-Pierre ou rue Bida (il y a des explications). Cependant il n’est que bien mal protégé par la loi et aucun classement comme Monument Historique n’existe. Il appartient à de nombreux particuliers, à la ville, à des institutions, cela fait beaucoup de personnes qui malheureusement ne sont pas motivées pour le valoriser même le sauvegarder. De plus, même la ville de Toulouse n’a pas été consciente, en 1970, de la gravité de ses actes, en autorisant la destruction de la porte nord ; l’exemple contraire est la transformation du parking Gambetta à Cahors lors de la découverte récente de l’amphithéâtre de la ville antique. La ville de Toulouse a donné un très mauvais exemple repris lors de la destruction du Palais des rois wisigothiques à l’emplacement de l’ancien hôpital Larrey (Place St-Pierre). D’autant plus que le parc de stationnement de la place du Capitole est, à cause de la présence du Métro, devenu totalement obsolète."

 

Club Archéo : Pourquoi le site de la Rue Bida, qui est selon nous le mieux conservé à Toulouse, n’est-il pas mieux protégé des dégradations ? Comment expliquer l’absence d’information concernant ce monument ?

 

Christian Darles : "Rue Bida et rue Ste-Anne, on est dans une propriété privée. Un promoteur achète en toute connaissance de cause et on ne peut pas empêcher les gens de bâtir chez eux. Mais comment ? Il n’a pu faire ses travaux de construction de logements de luxe (et il a profité de la présence du rempart pour monter les prix de vente et faire sa publicité) qu’en conservant intégralement le rempart qui donc n’a pas été détérioré et en permettant son étude que nous avons pu faire correctement malgré la météo. C’est un moindre mal, mais on doit pouvoir faire mieux. Quant à la visite d’un monument qui est chez un particulier il faut tout simplement qu’il soit d’accord. Maintenant que les appartements ont été vendus, je vois mal la propriétaire des lieux vous faire rentrer dans son salon (ou sa salle de bain) pour contempler un parement en brique de l’époque augustéenne."

 

Club Archéo : Qui est chargé de protéger notre patrimoine ? Quelle part de responsabilité avons-nous dans les échecs passés ? Doit-on tout concéder aux promoteurs et aux exigences du monde moderne ?

 

Christian Darles : "En France, il existe plusieurs lois sur la protection, au niveau de l’état mais également au niveau des plans d’urbanisme des villes (Toulouse n’a pas grand-chose, malheureusement, comme servitude de protection des vestiges archéologiques). Le Service Régional d’Archéologie est un service délocalisé dans chaque région par le Ministère de la Culture, il surveille, prescrit et contrôle scientifiquement tout ce qui a trait à l’archéologie. Dans d’autres pays, il existe des services similaires qui fonctionnent avec plus ou moins de bonheur. C’est à l’échelle des politiques urbaines que les meilleures décisions peuvent et doivent être prises, mais à Toulouse le Musée Saint Raymond qui s’occupe de l’Antiquité n’est que bien peu armé vis-à-vis des élus municipaux et des services techniques qui gèrent le développement urbain. Par exemple, a contrario, en Catalogne ou en Aragon, les municipalités prennent beaucoup plus de précaution avec ce type de patrimoine en s’appuyant sur les réseaux associatifs, les savants et les universités. Le plus important est d’avoir une très bonne carte archéologique, précise et fiable, afin d’anticiper tous ces problèmes de vandalisme et de saccage."

 

Club Archéo : Quelles solutions s’offrent à nous pour sauvegarder et mettre en valeur les derniers vestiges de notre rempart toulousain ? Quelle serait, selon vous, la marche à suivre ?

 

Christian Darles : "Il faut savoir et faire savoir. Il faut apprendre et convaincre. Le rempart de Toulouse est bien connu, mais par qui ? Il faut divulguer ce savoir et le partager. Mais tout le monde n’est pas d’accord et certains ne veulent pas être dérangés dans leur chez soi. Une solution est le classement au titre des Monuments Historiques, mais il faut que tout le monde puisse être d’accord. Un classement d’office pourrait être fait par le Ministère de la Culture mais cela demande un très gros travail de connaissance parfaite du monument – c’est ce que nous sommes en train de commencer, en collectionnant tout ce qui a pu être écrit, dessiné, raconté et publié sur ce rempart. Il y a beaucoup de choses – mais dans un grand désordre. Il s’agit également de  faire comprendre à chaque toulousain la richesse de ce qu’il a sous les pieds ou au fond de sa cour et, ici, se pose la question de la politique municipale des quartiers, car le problème du rempart (en centre ville) est très proche de celui de la caserne Niel (à Saint-Agne) ou de celui d’Ancely (à Purpan). Il faut faire ce que vous faîtes en développant ce type d’initiative et en enrichissant les secteurs associatifs qui travaillent sur le développement des quartiers et de la ville car l’histoire c’est le « développement ». Il faut aider le Musée Saint Raymond où l’on ne rencontre, lors de leurs manifestations et de leurs expositions, que les très jeunes enfants de primaire amenés par leurs instituteurs-trices ou des personnes convaincues, mais du 4e âge."

 

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